Le monument aux morts de Strasbourg offre une lecture particulière du premier conflit mondial, marquée par la spécificité historique de l’Alsace, mais aussi par le positionnement politique du Front Populaire.
Si le premier monument érigé dès 1919 au centre du quartier impérial de Strasbourg avait pour vocation de célébrer le retour de la ville dans le giron français, cette nouvelle commande obéissait très clairement à d’autres enjeux. Le contexte du Front populaire avait ouvert à une lecture non nationaliste du conflit dans laquelle la reconnaissance de la spécificité de l’Alsace-Moselle, dont les victimes de la guerre étaient aussi bien françaises qu’allemandes, devenait le symbole d’un monde libre et pacifié face à la montée du totalitarisme. Le sculpteur Léon-Ernest Drivier, a proposé d’y décliner le motif de la pietà, souvent employé pour évoquer le deuil national, en référence à la fameuse sculpture de Michel-Ange. Mais à la différence de son modèle iconographique, la vierge, assimilée à Marianne, porte ici deux corps contorsionnés. Allégorie d’une fraternité franco-allemande sous l’égide de la République.