L’expérience de la Première Guerre mondiale contribue pour beaucoup à la formation du langage plastique de Max Beckmann. Engagé volontaire dans les services sanitaires de l’armée allemande, il sombre dès 1915 dans une dépression dont il reconnaîtra qu’elle a été déterminante pour son œuvre. Il se souviendra de la guerre comme d’un « miracle », une expérience d’une rare intensité modifiant radicalement sa perception du monde.
Ses lettres du front rapportent l’expérience de l’horreur : cadavres jonchant les champs de bataille, hôpital encombré de mutilés. Le corps écartelé de l’œuvre Kleine Operation restitue cette réalité en même temps qu’il convoque le registre allégorique de l’histoire de l’art. Il fait en effet référence au motif traditionnel de la descente de croix dans la peinture des primitifs germaniques, tout en citant assez directement La leçon d’anatomie du professeur Tulp de Rembrandt, modèle sollicité par de nombreux artistes en temps de guerre. A bien des égards, le dessin permettait à l’artiste de se tenir à distance de l’horreur du réel: « Dessiner me protège de la mort et de la destruction » (3 octobre 1914).